Qui es-tu ?

À titre professionnel, j’anime une équipe de développement logiciel fonctionnant en mode agile au sein d’un laboratoire pharmaceutique. De plus, je promeus l’agilité dès que l’occasion s’en présente : co-organisation du printemps agile 2013, co-animation de Légo4SCRUM, participation au Rouen Agile Tour 2012 , aux CaenCamps, cours dans l’enseignement supérieur… Je suis donc un agiliste evangeliste.

Par ailleurs, tant pour des questions de valeurs, que pour les possibilités offertes par ces outils, je suis un adepte du logiciel libre. Un libriste donc.

Photo Nicolas Eliard

Enfin, dans la traditionnelle opposition entre la technique et l’humain, la programmation et le management, j’ai choisi… de ne pas choisir. Celle-ci me semble par trop manichéenne. Tout en considérant que le plus important pour la réussite d’un projet, c’est l’humain, je continue, la trentaine passée à développer avec autant de plaisir. Cette activité me semble noble, et procure un plaisir cognitif proche du jeu d’échec.

Nous dirons donc geek humaniste.

Dans sa forme synthétique, je suis donc un agiliste évenvageliste, libriste et geek humaniste.

Comment as-tu découvert l’Agilité ?

Au début des années 2000, alors que j’entamais ma vie professionnelle en tant que développeur, j’ai constaté rapidement le fossé qu’il y avait entre la théorie des méthodes classiques, le cycle en V que j’avais pu étudier, et le terrain. Pour faire face aux innombrables problèmes que nous rencontrions, il était recommandé d’appliquer avec toujours plus de rigueur les méthodes classiques : rédiger de la documentation encore et encore (quand bien même cette dernière n’était jamais lue), des réunions interminables afin de désigner des coupables, la négation des personnes et de leurs motivations… Bien entendu, cela ne faisait qu’accroître les tensions et retarder d’autant les projets. Il s’agissait en fait d’un véritable collet intellectuel : en cherchant à appliquer plus scrupuleusement les méthodes classiques afin de remédier aux problèmes posés, nous ne faisions qu’accroître les difficultés dont la principale source était ces méthodes. Le cercle vicieux était en action. Le monde marchait sur la tête.

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Certes, je constatais les dysfonctionnements mais à l’époque ne pouvais y apporter de réponse, mon horizon se limitant alors aux méthodes traditionnelles. Avec l’intuition que d’autres avaient déjà rencontré le problème et y avait peut-être apporté des solutions originales et efficaces, je commençais mes recherches et découvrais l’extrem programming. Ce fut une véritable « claque ». La paradigme changeait enfin, et même si certaines bonnes pratiques étaient ambitieuses, complexes à mettre en place, elles étaient réellement novatrices.

L’ouvrage décisif dans cette mutation fut « L’Extreme Programming : Avec deux études de cas » par Jean-Louis Bénard, Laurent Bossavit, R. Medina et D. Williams.

Néanmoins, il y a une décennie, l’agilité était encore confidentielle. Le simple fait d’évoquer la possibilité de réaliser un projet à partir d’autres formes de spécifications que le cahier des charges pouvait rapidement vous amener à être la risée d’une assemblée professionnelle qualifiée de « sérieuse ».

Aujourd’hui, cela a bien évolué. La vague SCRUM est passée par là, l’agilité a fait ses preuves. Même si l’application de l’agilité est loin d’être majoritaire, l’intérêt est réel. A minima, les personnes sont dans un scepticisme curieux vis-à-vis d’un lexique qu’ils ont déjà entendu.

Qu’est-ce qui t’intéresse le plus dans l’Agilité ?

Avec mon background technique, je suis de très près tout ce qui peut simplifier la vie des développeurs. Si ceux-ci ont la capacité de développer des outils permettant d’automatiser le travail à faible valeur ajoutée pour autres, alors il devrait en être de même pour eux. Bien entendu chacun perçoit immédiatement les gains de productivité que cela peut engendrer. Or, il y a d’autres effets bénéfiques : par exemple le gain de réactivité, qui diffère de la productivité, l’accroissement de l’intérêt du métier (chaque tâche sans intérêt supprimée accroît la motivation d’une personne), la possibilité qui est offerte d’envisager par la suite d’autres optimisations.

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Tout ce qui a trait à l’humain, forcément. Les sources de motivation et de démotivation, les formes de communication les plus adaptées selon la nature des messages. Le travail des rétrospectives et le fait de pouvoir utiliser toutes les idées, de donner vie au concept d’intelligence collective.

En fait, il y a tant et tant de sujets, que je pourrais pas tous les énumérer. L’agilité m’intéresse en tant que courant de pensée, dans son apport méthodologique, par la richesse de son écosystème.

Quels sont tes projets ?

Continuer à promouvoir l’agilité. J’aimerais pouvoir le faire à plus grande échelle, accompagner des projets, aider des personnes à mettre en place des organisations agiles, les rendre autonomes. N’est-ce pas là un des principes de l’agilité ? Il y a aussi un projet de livre, sans cesse retardé pour manque de temps. Sur les principes de l’agilité, beaucoup a déjà été écrit. J’aimerais bien apporter un témoignage de ce que l’agilité peut apporter à des personnes après plusieurs années de pratique.

Quel est ton meilleur souvenir de l’Agilité ?

Difficile de répondre à cette question tant les motifs de satisfaction qu’apporte l’agilité sont nombreux. Il y a bien entendu la réussite récurrente des projets, l’ambiance excellente entre les personnes, les clients qui remercient les développeurs (et réciproquement !) et demandent à travailler de nouveau avec eux sur d’autres projets. C’est un signe qui ne trompe pas ! La solidarité constatée à de multiples reprises au sein d’une équipe agile, la cohésion, les fous rires qui s’échappent d’un bureau alors que les personnes travaillent sur un projet à haute valeur ajoutée, prouvant que décidément, oui, la joie est parfaitement compatible avec la rigueur et l’engagement.

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L’intégration d’un nouvel arrivant qui se fait en quelques semaines, le fait que des personnes extérieures à l’équipe remarquent à quel point elle est soudée.

Mais je crois que mon meilleur souvenir fut la confidence d’un développeur qui n’avait travaillé qu’avec des méthodes classiques et qui en parlant du bien fait de l’agilité dit : « Je ne pensais pas que c’était possible. »