L’idée paraît séduisante sur le papier : demander aux développeurs d’estimer chaque fonctionnalité (en jours ou en points). Et si d’aventure, un développeur estime une fonctionnalité à 8 points et un autre à 13 points, ils discuteront pour harmoniser leurs visions.

Le sous‑entendu ? S’ils arrivent tous les deux à la même estimation, c’est qu’ils envisagent la même solution. Donc la discussion serait inutile. Mais en sommes‑nous si sûrs ? N’est‑il pas envisageable que deux développeurs avancent la même estimation pour deux solutions différentes ?
Bien entendu, on nous répondra que l’estimation est moins importante que la conversation qui suit – ce qui est exact. L’estimation est même strictement inutile pour concevoir en commun. Seule la conversation est nécessaire et suffisante. Ainsi, pour chaque fonctionnalité, les développeurs expriment comment ils pensent la développer et s’harmonisent. Sans passer par l’artifice des estimations.
Quels bénéfices pouvons‑nous en retirer ?
- Gain de temps : cela peut paraître minime, mais à force d’avoir moult activités récurrentes inutiles, la valeur délivrée à nos utilisateurs en pâtit.
- Cohérence : il y a un fort risque que, si nous demandons aux développeurs d’estimer, ils pensent que la finalité est… d’estimer. Et que cette activité prenne de plus en plus de place au détriment de la conception en commun, ce qui va à l’encontre de l’objectif recherché.
- Ouverture : en arrêtant d’utiliser les estimations comme prérequis à la conception en commun, nous nous donnons la possibilité de concevoir en commun par d’autres approches : la programmation en binôme, le mob‑programming, etc.
- Simplification : en supprimant le bruit généré par les activités inutiles, cela nous permet de mieux percevoir et comprendre notre métier. Ouvrant la possibilité à d’autres simplifications. La simplification d’aujourd’hui facilite les simplifications de demain.
Telle la poudre de perlimpinpin, ce remède miracle qui prétendait guérir toutes les maladies, les estimations dans le développement logiciel sont réputées répondre à toutes les problématiques. Maintenant l’organisation dans une approche prédictive. Et dans l’irrationalité d’activités basées sur la prédiction du futur. Répondre à certains besoins, comme la synchronisation d’équipes de développement sans planning, nécessite du recul. Alors que concevoir sans estimer est une simplification dont la mise en place peut être immédiate.